Les peintures d’Antoine Watteau se sont, en quinze années de créations, imposés comme des références de la peinture française. Créateur du genre des fêtes galantes, il a exploré de nombreuses formes d’art et multiplié les inspirations pour réaliser des œuvres uniques, qui continuent de fasciner.
Une inspiration théâtrale
Les peintures d’Antoine Watteau sont de véritables trésors, composés d’innovations fascinantes et d’une originalité forte, dans un monde étrange et mélancolique. Entre couples conversant, musiciens enjoués ou acteurs inspirés de la commedia dell’arte, les peintures de Watteau tendent à représenter des suspendus, semblables à des scènes de théâtre aux personnages idéalisés.
Des inspirations multiples
Autant que le théâtre, la musique est un sujet d’inspiration centrale pour Antoine Watteau. Il multiplie en effet les allusions scèniques comme dans Les Charmes de la vie (1718). Le spectateur assiste alors à une discussion entre un théorbiste extraverti et une guitariste, plus réservée. Dans un décor intime, on devine la fragilité des plaisirs.

En outre, le peintre n’hésite pas à se représenter lui-même dans ses œuvres. C’est le cas dans Fêtes vénitiennes (1719), qui met en scène un bal sous les arbres, référence habile à l’opéra-ballet de Campra. Antoine Watteau est donc présent à droite du tableau, jouant d’un instrument comme s’il orchestrait sa propre fête.

Les peintures de Watteau : un genre nouveau
Le peintre français est également l’inventeur d’un tout nouveau genre au XVIIIème siècle : la fête galante. Dans les toiles de ce style, des scènes légères et mondaines, imprégnées de tristesse, sont représentées. Le témoin de l’apparition de ce style est le tableau Pèlerinage à l’île de Cythère (1717), présenté à l’Académie royale. On y rencontre des personnages qui se dirigent vers une île mythique de l’amour. Cependant la confusion entre le départ ou l’arrivée confère au tableau une mélancolie pesante. Ces nuances seront présentes dans bon nombre de tableaux de Watteau, et ont contribué à son génie. On passe ainsi de la sincérité à la dissimulation, de la joie au désenchantement.

Bien qu’il n’ait vécu que 6 ans sous le règne de Louis XIV, Antoine Watteau incarne l’esprit de la Régence. En effet, il est le témoin d’un art plus libre, élégant et sensuel. Il est également l’un des premiers à explorer en profondeur les sentiments humains, notamment l’amour, mais surtout à les nuancer. Son art évoque ainsi avec délicatesse le moment où l’homme rompt avec la solitude par la tendresse, la sensualité ou l’échange.
« Watteau, c’est l’âme française peinte avec des ailes », écrivait Verlaine.
De nombreuses formes d’art
Avant de trouver et de créer son propre style, Antoine Watteau commence par l’art décoratif, sous l’influence de Gillot ou Audran. Il participe notamment à l’aménagement du château de la Muette). Afin d’obtenir des commandes, le Français a également réalisé des toiles représentant des scènes militaires. Opposé aux scènes traditionnelles et parades ou de batailles, il fait le choix de décrire la vie quotidienne des soldats. Plutôt qu’une glorification de l’armée, on découvre alors la monotonie de l’attente.

Antoine Watteau a également peint quelques scènes de genre, bien que peu nombreuses. La plus célèbre est certainement L’Enseigne de Gersaint, une œuvre unique pour son ami, qui regroupe tous les talents de Watteau : richesses expressives, génie des attitudes, utilisation habile de la couleur et de la lumière. Ces toiles sont les prémisses d’une thématique qui n’apparaîtra qu’un siècle et demie plus tard. En effet, il faudra attendre le réalisme du XIXème siècle pour voir des représentations de la vie urbaine. Une nouvelle preuve du génie et de l’avant-gardisme d’Antoine Watteau.

Qui est Antoine Watteau ?
Né le 10 octobre 1684 à Valenciennes, Antoine Watteau (né Jean-Antoine) est le deuxième d’une fratrie de quatre. Son père est couvreur mais boit surtout beaucoup, lui déclenchant des accès de colère. Les violences de son père pourraient notamment avoir précipité les maladies d’Antoine Watteau. Néanmoins, ses proches le soutiennent dans sa pratique artistique. Ainsi, à 10 ans, il devient l’élève du peintre de la ville, Jacques-Albert Gérin.
Les débuts à Paris
Pour faire décoller sa carrière, le jeune peintre doit cependant quitter ses terres natales. Il s’installe alors à Paris et réalise des petits travaux de copie pour gagner un peu d’argent. Il rencontre ensuite le peintre Claude Gillot. Celui-ci lui offre l’opportunité de devenir son élève et de s’installer ensemble. Ils collaborent pendant plusieurs années avant de se séparer suite à des désaccords. Malgré ces querelles, Watteau se dira toujours reconnaissant de Claude Gillot.
Le jeune peintre s’installe ensuite avec Claude Audran III, décorateur. C’est avec lui qu’il développe un intérêt pour des thèmes qui le suivront dans ses toiles : ornements rocaille, motif théâtral, utilisations de couleurs chaudes.
Les peintures de Watteau : un style unique
En autodidacte, Antoine Watteau développe dans un premier temps un intérêt pour la peinture d’histoire. Cependant, dans un second temps, il parvient à développer un style personnel : entre observation du quotidien et représentation idéalisée. Ses personnages, toujours élégants, évoluent ainsi dans un monde raffiné, composé de tendres conversations. On retrouve notamment cela dans Les Deux cousines, où deux jeunes femmes échangent un regard complice mais distant.

Une carrière belle mais courte
Néanmoins, la carrière d’Antoine Watteau, bien que réussie, fut très courte. En effet, touché par la maladie, probablement une tuberculose, il meurt en 1721, à seulement 36 ans. Malgré une santé fragile et une situation financière précaire, il laisse derrière lui un héritage fort de plus de 200 tableaux et de milliers de dessins
Un talent reconnu
Dès son vivant, le génie d’Antoine Watteau est reconnu. Les collectionneurs d’arts tout comme les grandes fortunes s’arrachent ses toiles. Le style rococo va cependant disparaître pendant la Révolution française. Les tableaux d’Antoine Watteau seront malgré tout réhabilités dès le siècle suivant.
Son ami et mécène Jean de Julienne assurera, après sa mort, son héritage en diffusant ses œuvres au travers de gravures. Beaucoup d’entre elles ont ainsi donné leurs noms aux tableaux.
Cependant, de nombreuses œuvres ont été restaurées ou peintes à posteriori. Ainsi, certains spécialistes ne lui accordent qu’une quarantaine d’œuvres authentiques.
Aujourd’hui encore ses toiles continuent de fasciner. Ainsi du 8 mars au 15 juin, une exposition au Château de Chantilly vous propose de découvrir l’univers de ce peintre au travers de ses toiles et dessins.
Un héritage au-delà de la peinture
Au-delà de la peinture, les travaux d’Antoine Watteau ont séduit et inspiré bon nombre d’artistes. Théophile Gautier lui rend aussi hommage dans plusieurs textes, tout comme Baudelaire qui lui consacre un quatrain. Verlaine, quant à lui, s’inspire directement du style Watteau pour son recueil Fêtes galantes (1869). Enfin, sa manière très floue de traiter les paysages peut être considérée comme une inspiration pour l’impressionnisme.