Les peintures de Nicolas de Staël sont inclassables et avant-gardiste. Malgré une carrière courte de 15 ans, Nicolas de Staël a marqué le XXème siècle par ses productions faramineuses, sa vie tourmentée et son style.
Par Vivien Delorme-Bernhardt

Nicolas de Staël voit le jour en 1914 dans une famille de l’aristocratie russe. Cependant, la révolution bolchévique de 1917 contraint sa famille à fuir vers l’Estonie puis la Pologne. Ses parents décèdent tous les deux en 1921. Il est ainsi placé chez une famille originaire de Russie, installée à Bruxelles. Ce changement est un choc pour le jeune homme mais lui ouvre les portes de l’art européen.
Il met du temps à trouver sa passion avant d’être fasciné par la peinture, notamment flamande. En 1933, Nicolas de Staël entre à l’Académie des Beaux-arts de Bruxelles. L’artiste y découvre la peinture abstraite, une nouveauté à une époque où le réalisme social fait son retour. Il commence également à s’intéresser à des peintres comme Cézanne ou Braque.
Nicolas de Staël multiplie ensuite les voyages en Maroc ou en Italie avant de s’installer à Paris avec sa femme Jeannine Guillou. Ces voyages inspireront le peintre pour ses œuvres, notamment dans le choix des couleurs. À Paris, Nicolas de Staël réalise ses premiers travaux mais est englué dans une forme de rage créatrice qui le pousse à détruire bon nombre de ses œuvres.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, il est brièvement déployé avec la Légion étrangère mais retrouve très vite la peinture en 1940. Il s’installe alors à Nice et fait la rencontre de nombreux artistes comme Jean Arp. Son art prend ainsi un tournant plus abstrait. Pendant l’occupation, le peintre rejoint Paris. Il parvient à être soutenu par ses contemporains comme Jeanne Bucher qui lui accorde même une exposition.
Un artiste singulier
Les peintures de Nicolas de Staël sont inclassables. S’il est souvent rattaché à l’abstraction, il ne s’y enferme pas et adopte un style unique. Au début de sa carrière, il adopte ces camaïeux de gris, une écriture serrée et de forts empâtements. Les tableaux du Français sont donc construits par masses, avec des couleurs superposées, souvent au couteau. On retrouve ce style dans Porte sans porte (1946) ou dans Ressentiment (1947).
Une chose est sûre, Nicolas de Staël est un artiste libre, qui ne s’enferme pas dans un style. Il affirme en effet :
“Je peins le plus souvent sans concept, sans écriture conceptuelle. Je ne peux avancer que d’accident en accident”.
Ainsi au fur et à mesure de sa carrière il tend vers la figuration. Sa peinture s’éclaircit également à partir des années 1950. En outre, les formes se simplifient, les lignes se tendent et la matière se fait plus légère. De plus, il n’hésite pas à explorer de nouvelles techniques comme l’encre de Chine.
Parfois critiqué pour son tempérament et son refus de se rendre aux Salons, Nicolas de Staël rencontre un fort succès dans les années 50, si bien qu’il entre dans des collections américaines.
En 1953, il s’installe à Antibes. Cette période, bien que courte, est sans doute la plus productive de sa carrière. Le ciel du Sud, les ports, les plages, les stades ou simplement les Hommes deviennent ses sujets favoris. Les tableaux de cette époque, comme la série des Footballeurs (1952) ou le Fort Carré d’Antibes (1955), témoignent d’une synthèse aboutie entre abstraction et figuration.


Les peintures de Nicolas de Staël : une relation singulière avec la musique
La musique occupe une place centrale dans les peintures de Nicolas de Staël. Dès le plus jeune âge, il baigne dans les harmonies puisque sa mère, descendante du compositeur Alexandre Glazounov, joue régulièrement au piano. Ainsi, il développe une approche artistique où l’harmonie sonore devient des couleurs superposées.
Pierre Boulez, compositeur français dira en 2002 :
“Nicolas de Staël était une exception en ce qui concerne son intérêt pour les découvertes de la musique de son temps. […] Il puisait dans la musique la plus récente, celle des années 50, des ressources d’invention, grâce à une sorte de transposition“.
Bien qu’il n’accorde que peu d’importance aux titres de ses œuvres, certains d’entre eux sont des références claires à la musique comme : Les Musiciens ou Souvenir de Sidney Bechet.
En 1951, il rencontre Suzanne Tézenas, mécène et animatrice d’un salon parisien. Il découvre ainsi l’univers musical contemporain, du jazz au baroque. La musique inspire certains de ses tableaux comme Les Indes Galantes en référence à une représentation à l’Opéra de Paris. Enfin, avant sa mort, il commence le tableau Concert, un travail qui ne sera jamais terminé.
Un artiste en proie au désespoir
Malgré une certaine libération et une forte productivité, Nicolas de Staël n’est pas apaisé. L’art qui est pour lui un moyen de chasser ses démons le tourmente de plus en plus. Épuisé par la tension entre ses exigences esthétiques et ses tourments personnels, il sombre dans une profonde détresse. Nicolas de Staël se suicide en 1955, à l’âge de 41 ans, en se jetant de la terrasse de son atelier d’Antibe.
Sa mort intervient alors qu’il était encore en train de travailler sur des toiles et met fin à une carrière couronnée de succès. Il laisse derrière lui plus d’un millier de travaux qui n’ont jamais cessé de fasciner.
Un héritage fort
Nicolas de Staël a laissé derrière lui un héritage impressionnant, qui ne cesse d’être exposé comme en 1956, dans une première rétrospective au Musée d’Art Moderne de Paris.
Sa maison d’Antibes a également été restaurée par Roman Rotges avant d’être classé monument historique en 2014. L’année passée le Musée d’Art Moderne a de nouveau consacré une exposition au Français. Cell-ci regroupait plus de 200 oeuvres dont certains issues de collections privés. Les billets n’étaient plus réservantes, plusieurs jours à l’avance, preuve de l’intérêt que suscite encore Nicolas de Staël. Certaines de ses œuvres peuvent être observées au Centre Pompidou, au Musée Picasso d’Antibes ou encore au Los Angeles Museum of Contemporary Art.