Jean hélion : un artiste libre à redécouvrir

Jean Hélion, peintre français du XXème a longtemps évolué à l’encontre des mouvements artistiques de son époque. D’abord influencé par le style abstrait et le cubisme, il s’est rapidement tourné vers la figuration et le réalisme, un choix lui a value d’être renié par ses pairs. Mais, depuis les années 70, un engouement se forme autour de cet artiste incompris, si bien que le musée d’Arts Modernes de Paris lui a dédié une retrospective.

Par Vivien Delorme-Bernhardt

Jean Hélion
Jean Hélion, Autoportrait, 1925

Jean Hélion, de son vrai nom Jean Bichier, nait en 1904 en Normandie. Issu d’un milieu modeste, il entame tout de même des études de chimie à l’université de Lille. Le futur peintre abandonne vite ses études pour rejoindre la capitale et un cabinet d’architectes en 1921. C’est là qu’il rencontre des peintres comme Soutine, qui va pousser Jean Hélion à réaliser sa première toile en 1922. Le Normand délaisse alors complètement l’architecture pour une peinture expressive et émotive. Mais, jusqu’en 1926, il est isolé du milieu artistique parisien.

Une rencontre décisive

En 1926, Jean Hélion rencontre Torres Garcia, un célèbre peintre uruguayen. Celui-ci l’initie à la peinture moderne. Le Français se rapproche ainsi d’autres artistes et co-crée un groupe avant-gardiste avec Théo Van Doesburg et Piet Mondian, nommé Abstraction-Création. C’est à partir de ce moment que Jean Hélion développe son propre style : entre cubisme et constructivisme, les formes géométriques rencontrent des couleurs pures et des courbes. L’artiste affirme alors : “L’abstraction m’a semblé être la voie de la modernité”. En cohérence avec ses idées politiques, le courant abstrait lui permet d’être totalement libre dans ses oeuvres.

Le Français continue ses travaux et commence à les exposer internationalement au début des années 1930. Il est même formateur pour des étudiants en école d’art.

En parallèle de ses oeuvres, Jean Hélion débute, en 1929 la rédaction des Carnets, réflexion sur la peinture qu’il poursuivra jusqu’en 1984. Sa proximité avec des écrivains de son temps, qu’il associe régulièrement à son parcours, comme Francis Ponge ou André du Bouchet l’aidera dans cette rédaction.

Nouveau départ aux États-Unis

Ce fort succès pousse Jean Hélion à rejoindre, en 1936, les États-Unis. Il y côtoie de célèbres artistes comme Alexandre Calder et continue d’exposer dans des galeries New Yorkaises

Mais cette nouvelle vie lui donne des envies de changements. Il confie : “Je voulais retrouver le monde, l’homme, la rue” . Bien que toujours géométriques, ses toiles commencent à laisser entrevoir des figures. Ce phénomène s’accentue au fil des années et Jean Hélion s’inspire désormais de la figuration pour décrire des scènes banales du quotidien.

Ce changement radicale étonne et reçoit un accueil mitigé. Là où certains y voit la liberté du génie artistique, d’autres contemporains y voit une trahison vis à vis du courant abstrait. Mais pour le peintre, ce changement est une évolution plutôt qu’une régression : “Je peins ce que je ressens, sans souci de plaire ou déplaire”, assure-t-il.

L’influence important de la Seconde Guerre Mondiale

En 1940, Jean Hélion rentre en France pour s’engager dans l’armée. Il est cependant rapidement capturé par les Allemands qui le font prisonnier jusqu’à son évasion en 1942. Nouvelle preuve de son désir de liberté. Il retourne alors aux États-Unis et publie They Shall Not Have Me, un ouvrage à succès qui retrace sa captivité.

Son âme de peintre refait ensuite surface et son expérience à la guerre le conforte dans la figuration. Il continue de dépeindre des scènes urbaines du quotidien mais cherche également à retranscrire le nu. À son retour en France, il accentue également la présence humaine sur ses tableaux qui deviennent des méditations sur la condition humaine, au travers de personnages solitaires et mélancoliques.

Néanmoins, il ne rencontre pas le même succès qu’avant la guerre. En effet, la mode est alors à l’abstrait et son art ne trouve pas de lieu pour être exposé. De plus, les peintures réalistes sont parfois associées aux régimes totalitaires. En outre, la séparation avec sa femme et sa relation avec la fille de Peggy Guggenheim entachent son image.

De la dépression à la reconnaissance

Le manque de reconnaissance plonge Jean Hélion dans une période de dépression dans les années 1950. Il continue tout de même de peindre mais en plus petite quantité. De plus, il délaisse peu à peu les humains sur ses toiles au profit d’objets ou de fleurs.

Mai 68 fait ensuite l’effet d’une onde de choc pour l’artiste français. En effet, il habite dans le quartier Latin et se retrouve ainsi au coeur des affrontements qui lui procure une vague d’enthousiasme. Cependant, il commence à perdre la vue. Cette maladie, qui pourrait freiner de nombreux artistes, donne à Jean Hélion l’envie de peindre le plus possible jusqu’à sa mort. Sa production s’accélère alors, et le succès se profil peu à peu.

La consécration arrive en 1977 pour l’artiste français. En effet, le musée des Arts Modernes de Paris décide de lui consacrer une exposition qui durera jusqu’en 1985. Une reconnaissance tardive du génie d’un artiste libre.

Un héritage à découvrir

Jean Hélion s’éteint en 1987 à l’âge de 83 ans. Il laisse derrière lui une forte empreinte dans la peinture du XXème siècle. Près de 50 ans après la première exposition, le musée des Arts Modernes de Paris lui a dédié une retrospective à l’été 2024. Organisé de manière chronologique, cette exposition rassemblait plus de 150 oeuvres rarement présentées au public. Cette exposition a été apprécié et a reçu des distinctions comme le Prix Transfuge de l’Expo Muséale.

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