Meubles de Catherine la Grande : entre pouvoir et plaisirs

Les meubles de Catherine la Grande continuent de fasciner, trois siècles après sa mort. Collectionneuse d’art, Catherine la Grande était aussi une femme libre et sensuelle, au centre de nombreux mythes.

Par Vivien Delorme-Bernhardt

Meubles de Catherine la Grande
Durant son règne la Russie gagnera 500 000 km2 de terrain

Catherine II de Russie, dite Catherine la Grande, née en 1729, dans une famille aristocratique russe. Elle devient impératrice en 1762, à la suite d’un coup d’État qui renverse et tue son propre mari Pierre III. Monarque cultivée, elle règne jusqu’à sa mort en 1796. Ses 34 ans de pouvoir constituent un âge d’or culturel et artistique pour la Russie.

Une femme d’art…

En plus d’une femme politique et d’une stratège militaire hors pair, Catherine II est une amoureuse de l’art. Dès son plus jeune âge, elle baigne dans les récits d’écrivains, notamment français, qui l’inspireront pour le reste de sa vie. Son gouvernement sera notamment organisé selon les idées de Montesquieu. Elle entretient également une relation épistolaire avec Voltaire.

L’impératrice s’adonne elle-même à l’écriture avec notamment ses Grandes Instructions, un ouvrage qui résume ses intentions. À la fin de sa vie elle rédigera également ses Mémoires.

Pour Catherine la Grande, l’art est une manière de montrer sa puissance et de faire rayonner son pays. Ainsi elle met en place une forte politique d’acquisition. Elle réquisitionne les meilleurs artistes du monde, lui permettant de constituer une collection impressionnante qui orne ses palais. Tous les meubles sont sélectionnés minutieusement, et sont constitués de matériaux précieux. 

Inspirée par la mode européenne et notamment française, Catherine la Grande adopte, dans un premier temps, le style Rococo composé de courbes élégantes, de motifs floraux, de dorures et de soieries.

À partir des années 1770, elle adopte un style plutôt néoclassique, plus sobre, inspiré de l’Antiquité. Colonnes cannelées, symétrie stricte, références aux temples romains : une esthétique plus austère, mais tout aussi chargée de symboles, notamment sexuels.

De plus, l’Impératrice commande régulièrement de nouveaux services de tables qui permettent de favoriser le développement de la manufacture russe de porcelaine. 

Enfin, elle se présente comme un mécène et une personne avant-gardiste en termes de médecine. Par exemple, elle est la première russe à subir la variolisation, technique de lutte contre la variole, afin de donner l’exemple à son peuple.

…et de désirs

Au-delà du pouvoir et de son goût prononcé pour l’art, Catherine la Grande se distingue pour son approche libérée des conventions. Ainsi, les historiens s’accordent pour dire que l’impératrice avait une vie amoureuse et sexuelle très active et libre. On lui accorde environ 22 amants officiels. Ce goût pour les plaisirs aurait influencé ses choix en termes de mobiliers. Des meubles qui attirent encore aujourd’hui les convoitises.

Les meubles de Catherine la Grande : légende ou réalité ?

En outre, d’après la légende Catherine la Grande posséderait un cabinet secret, dédié au plaisir. Celui-ci serait composé de décors aux multiples références sexuelles : une chaise dont l’assise est soutenue par des figures suggestives, une table dont les pieds imitent des phallus ou encore des commodes aux bas-reliefs érotiques. Ces informations proviennent de photographies prises par des soldats allemands en 1941, dans le palais de Tsarskoïe Selo. Cependant, les meubles auraient été détruits durant la guerre.

Les historiens sont divisés quant à l’existence réelle de cette collection. En effet, il n’existe aucune preuve formelle ni aucun inventaire de ces meubles. L’historien Emmanuel Ducamp ajoute : « Sans vouloir retirer à l’impératrice les mérites sensuels dont elle est parée par la petite histoire, il faut se poser les questions de l’histoire tout court. Un tel mobilier aurait-il pu survivre au XIXe siècle, et surtout au règne de Nicolas Ier ?”  Le petit-fils de Catherine II est en effet connu pour sa grande morale et son conservatisme. Il est donc très probable que celui-ci les aurait détruits.

De plus, certaines analyses montrent que ces meubles pourraient être plus récents que l’époque de Catherine la Grande. En effet, certaines caractéristiques sont plus proches de l’Art Nouveau (fin XIXème siècle) plutôt que du Néoclassicisme (XVIIIème siècle). Certains observateurs attribuent donc cette collection à des Tsars comme Alexandre II ou III.

L’héritage des meubles de Catherine la Grande

En 2011, l’entreprise française Henryot et Cie s’est lancée dans la reconstitution de ces meubles, à partir des photos. Le résultat est très convaincant, même si le travail a été acharné d’après Mathieu Cheval, représentant de la manufacture :  « Les sculpteurs ont dû, dans la matière qu’est le bois, faire vivre les corps, créer les émotions, faire crier les sentiments ».

Malgré les mystères autour de son mobilier érotique, Catherine II laisse un héritage artistique impressionnant, notamment au travers de ses nombreux palais. Elle a également fondé le musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.

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