Sophie Calle œuvres et influences sont des sujets complexes pour une artiste complexe. En effet, cette exploratrice de l’intimité humaine transforme sa vie et celle des autres en œuvres d’art. Des créations qui oscillent entre enquête, autofiction et expériences sociales.
Sophie Calle œuvres et méthodes uniques
Les œuvres de Sophie Calle peuvent être apparentées à des reportages ou des inventaires, fondés sur son vécu. Pour les créer, elle utilise des méthodes semblables à celles d’un détective. Ainsi elle entre parfois par effraction dans la vie d’autrui. Le spectateur devient alors le témoin, voire le voyeur de l’intimité.
C’est comme cela que dans Carnet d’adresses (1983), elle documente méticuleusement la vie d’un sujet, au travers du carnet d’adresses d’un étranger et d’une enquête sur sa vie. Dans ses installations, on retrouve également des inspirations autobiographiques, bien qu’elle garde une certaine distance avec ses personnages grâce à l’humour.
Une artiste, presque scientifique
Bien que l’autofiction reste la partie la plus connue de son travail, elle a également exploré d’autres possibilités. C’est comme cela qu’en 1986 elle s’entretient avec des personnes aveugles de naissance pour comprendre leur définition de la beauté.
Quelques années plus tard, en 1991 elle demande aux visiteurs du musée des Beaux-arts de Boston de lui décrire des œuvres qui ont été dérobées et laissent ainsi un vide.
Ces expériences ne se veulent pas comme des expériences psychologiques mais plutôt comme des histoires à raconter. C’est dans cette logique qu’en 2002 elle réalise Chambre avec vue. Dans une chambre en haut de la Tour Eiffel, elle invite qui le souhaite à se coucher à ses côtés. Seule contrainte, ces personnes doivent la maintenir éveillée en lui racontant des histoires.

Qui est Sophie Calle ?
Sophie Calle est née en 1954 à Paris. Son père médecin mais surtout collectionneur d’art lui fait découvrir les travaux d’artistes comme Christian Boltanski ou Bertrand Lavier. Il est également le fondateur du musée d’Art contemporain de Nîmes.
Elle grandit ainsi dans une famille où l’art a une place importante. Cependant, dans sa jeunesse Sophie Calle préfère s’orienter vers une carrière politique et le militantisme féministe. À cette période, elle voyage également beaucoup, ce qui lui permet de développer une culture très large et de l’inspiration pour ses futurs œuvres.
Début de carrière et premières filatures
À son retour en France, elle entreprend plusieurs expériences ou performances singulières qui doivent abolir la frontière entre l’art et la vie. C’est dans cette optique qu’en 1980 elle se met à suivre un homme au hasard. Cette filature l’a menée jusqu’à Venise et la conduira à réaliser un livre photographique, Suite vénitienne (1980), qui documente ses déplacements et ses pensées.
Dans cette autofiction, le réel côtoie l’imaginaire, puisqu’elle comprend des faits avérés aussi bien qu’inventés. On découvre ainsi des photos pleines de doutes mais également une expérience romanesque unique.

Si vous suivez quelqu’un, nous n’avons pas à vous demander ce que vous allez manger. Ils vous emmènent dans leur restaurant. Le choix est fait pour vous ».
Une fois à Venise, elle travaille comme femme de chambre et photographie les objets personnels des clients dans L’Hôtel (1981). Elle repousse ainsi les limites de l’exploration de l’intimité humaine. Dans le même temps, elle continue à suivre des inconnus dans la rue qu’elle photographie.
Repousser les limites de l’intimité humaine
En outre, en 1979, elle invite 27 personnes à dormir dans son lit chacune à leur tour, pendant 8 heures. Sophie Calle les accueille alors et leur propose des draps propres, les questionne puis les regarde dormir. Cette expérience donne lieu à des séries de photos qui brouillent les pistes entre intimisme et anonymat, et où le lit devient un site situationnel. Chaque personne qui s’installe trouve alors les traces du précédent et l’œuvre permet de comprendre leur manière de s’adapter.
Début du succès
C’est ainsi que sa carrière débute réellement. En 1980, elle est invitée à participer à la Biennale de Paris et, en 1981 elle s’installe à Malakoff dans une usine désaffectée. La photographe partage alors cet atelier avec Christian Boltanski, un de ses modèles ainsi qu’Annette Messager. Ces trois artistes partagent des traits communs comme l’omniprésence de l’absence ainsi que des portes ouvertes sur le désir. En 1983, Sophie Calle se voit attribuer sa première exposition personnelle.
Reconnaissance et récompenses
Tout au long de sa carrière, plusieurs expositions lui ont été consacrées : au centre Pompidou, au MoMA ou encore au musée de l’hermitage. Mais celle qui a rencontré le plus de succès est la rétrospective de 2004 à Paris. Ce succès s’explique certainement par la dimension autofictionnelle qui permet à chacun de se sentir concerné par les sujets abordés.
Plus tard, en 2007, elle représente la France à la Biennale de Venise. Elle est également récompensée par le prix Hasselblad en 2010, avant d’être faite commandeur des arts et des lettres deux ans plus tard. Enfin, en 2017, elle crée une exposition au musée Chasse et Nature. Elle y regroupe des installations photographiques, des vidéos ainsi que des performances qui compilent un siècle de petites annonces publiées dans le magazine Le Chasseur français.
Aujourd’hui encore, cette artiste conceptuelle unique et complexe rencontre un franc succès. Jusqu’au 21 septembre, on peut notamment découvrir ses travaux au Mrac de Sérignan, avec l’exposition “Êtes-vous triste ?”. Une nouvelle exploration de l’intimité humaine.